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TEXTES :


La pâte grise utilisée pour la fabrication de mes dessins à la forme est issue du broyage de mes dessins précédents. 
Bien que la technique que j'utilise  pour cette série s'apparente à la fabrication traditionnelle d'une feuille de papier, je n'envisage pas le résultat comme une feuille, mais assurément comme un dessin.


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La série des pliages s'articule, autour de la manipulation d'une feuille de papier blanc de format carré aux bords surlignés de noir. Indissociables l'un de l'autre, le dessin et son support travaillés ensemble participent en même temps à la construction de l'image. Repliée sur elle-même, cette matière mouillée lors du pliage et de l'encollage se mélange et se transforme en une succession de couches perceptibles par transparence. A la fois plane et donnant à voir ses deux faces simultanément, la feuille de papier s'offre toute entière et prend une place particulière dans l'espace.

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Ma manière d'envisager le dessin a été considérablement influencée par la confrontation de cette pratique à l'espace urbain. La précarité du dispositif d'exposition dans la rue s'est fait au profit d'une souplesse imposée par l'usage du collage.  

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En fonction de sa taille d'origine, le papier dessiné subit un morcellement plus ou moins important pour être transformé en livre de taille plus modesteLa matière brute de mes dessins récupérés après leur passage dans la rue ou issus de séries qui n'ont pas encore été utilisées est transformée en une succession de feuillets.
Le dessin devenu manipulable par le spectateur s'offre dans toute sa matérialité. La face habituellement cachée, l'arrière du dessin, devient visible. Elle présente par transparence le dessin en miroir et garde les traces du mur sur lequel elle était encollée. C'est un souvenir palpable et une référence concrète de la dimension particulière et monumentale dans laquelle le dessin s'inscrivait précédemment.
Il était collé sur un mur et s'appréciait en prenant du recul, il peut cette fois être observé dans le détail et sous toute ses faces. Par ce changement d'échelle, le format est rétréci au profit du volume et la lisibilité de l'image globale se brouille au profit d'un rapport plus intime à l'objet.
Le dispositif d'exposition se veut le plus simple possible. Ni couvertures, ni ornements. Du livre, n'est gardé que le principal : un assemblage de feuilles réunies en un volume. Les feuillets qui décomposent les dessins sont reliés entre eux et au mur en un même geste. Donnés à voir à la verticale, ils se déploient de manière sculpturale, leur forme variant entre les mains des spectateurs.
Constitués aussi bien des dessins précédemment exposés que de ceux qui ont été écartés, ils matérialisent une somme de travail accompli. Le papier et le fusain sont les dénominateurs communs les plus évidents, imposant à l'ensemble une présence sobre et directement référentielle au dessin.
Manipulable, tridimensionnel et mouvant, les feuillets offrent de nouvelles possibilités d'assemblages, de combinaisons et de connexions qui alimentent mes questionnements récurrents sur les interactions des papiers dessinés avec leur environnement.
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L'importance croissante accordée aux effacements et aux vides témoigne de mon désir d'étendre le dessin au-delà de sa trace et d'y laisser entrer d'autres éléments. L'installation de mes dessins dans l'espace urbain met à l'épreuve cette ambition. Ce traitement exacerbe leur altérabilité tout en testant leur capacité d'ouverture à un espace complexe et mouvant.
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Si le vide semble parfois devenir le sujet principal, ce n'est que grâce au soutien du dessin qu'il encadre ou qui l'encadre. Le fini et l'infini se soutiennent dans cet échange qui vise un équilibre des deux parties. On ne sait jamais exactement laquelle prédomine. Elles coexistent, indispensables l'une à l'autre. Et c'est finalement de cela qu'il s'agit : d'un balancement permanent entre chaque partie. 


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Ce sont les éléments dynamiques de la Sainte-Anne de Vinci qui m'ont intéressée et sur lesquels je me suis concentrée.
Par éléments dynamiques, j'entends ce qui confère à l'oeuvre un caractère mouvant.
Il s'agit pour la Sainte-Anne aussi bien de technique picturale, de composition, que de système de représentation.
L'utilisation du sfumato offre des contours flous et vaporeux induisant automatiquement une élasticité de la forme. L'imagerie du corps, quand à elle, ne se limite pas non plus à sa propre enveloppe puisque l'enfant, la mère et la grand-mère fonctionnent comme une entité polymorphe composée de plusieurs êtres qui se prolongent les uns les autres et dont les membres se répondent ou sont interchangeables.
Et puis, il y a tout ce qui se trouve en-dessous de la surface, qu'on ne voit pas mais qui existe comme évolution de la pensée du peintre et comme développement de la peinture elle-même : les couches inférieures du tableau (superpositions de glacis transparents et repentirs) et en parallèle, les différentes étapes préparatoires (études, croquis, cartons). 



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Mes dessins sont fragiles. 
C'est donc un geste brutal de les placer directement dans l'espace urbain. Mais un geste délibéré. Je recherche cette tension.


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Quand je réalise les dessins dans mon atelier, je les pense dans cet objectif là : les installer dans un espace vivant. J'essaye de produire des images qui pourront interagir avec des éléments qui leur seront à première vue extérieurs. 


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Pour que le dessin prenne toute sa dimension, il faut que l’œil le saisisse avec l’espace qui l’entoure. Car si rien n’est tout à fait achevé sur le plan de la manifestation des formes, le vide évoque une extension virtuelle du tracé. Le blanc du papier et le blanc des murs se confondent pour troubler les limites matérielles du dessin et élargir son cadre jusqu’ à le faire disparaître. Le travail se comprend dans l' accrochage in situ qui relève de l’organisation spatiale des différentes parties préalablement dessinées. Rassemblées autour du blanc, elles établissent des associations et des relations multiples entre elles et avec ce qui les entoure.